En anglais, tantrum fait référence à une violente
démonstration de colère ou de frustration. Une très grosse colère, en fait
Typiquement,
on rencontre de telles crises chez les enfants. Nous avons tous déjà dû faire
face à ces moments un peu pénible où notre charmant petit ange se transforme en
machine à hurler et se rouler par terre, de préférence en public, parce que,
non, nous allons bientôt dîner et qu’il ne faut pas gâcher son repas avec des chips. Il faut
être raisonnable, mon petit.
Cela
ne dure jamais très longtemps, et après avoir entendu que nous étions méchants,
que nous rendions notre enfant très malheureux, qu’en Italie, les parents qui
enlèvent le pain de la bouche de leurs enfants vont en prison (sic), la grosse
colère disparaît comme elle est venue
Et
il est temps de passer à table pour manger ses épinards.
Le
tantrum est un caprice d’enfant. Et pourquoi un adulte, théoriquement responsable,
n’aurait pas le droit à son petit tantrum ? Un adulte n’a-t-il pas aussi à
gérer colère et frustration ? Surtout de la frustration. Une énorme
frustration. C’est ainsi que commence cette petite perle signée Jules Feiffer. Léo,
son héros en a assez. Plus qu’assez. Il n’en peut plus d’être un bon mari, d’être
un bon père, un travailleur consciencieux. Il ne veut plus être un adulte.
Et
il pique une grosse colère. Il se roule par terre. Il hurle, tant et si bien qu’il redevient un enfant de deux
ans.
Deux
ans, la belle vie pour l’enfant. Le Terrible
Two pour les parents. La première adolescence. Le première âge de la
révolte. L’enfant prend conscience de son individualité et découvre le pouvoir
d’opposition suprême de ce mot magique: NON.
Mais
pour éviter les conflits, il suffit de bien peu de chose, parce que Léo ne
demande finalement pas grand chose. Un peu d’attention pour lui, être gâté,
choyé. Materné, en somme.
Redevenir un enfant
lui permet d’échapper à ses responsabilités et de profiter pleinement de la
vie. Du
moins l’espère-t-il parce qu’il doit vite déchanter. Il se heurte à l'hostilité
de ses proches, qui sont loin d’être ravis de le voir renoncer à son rôle d'adulte. Il
découvre surtout que son mal-être était loin d’être unique. Ses proches se débattent avec les mêmes angoisses, mais ils n’ont pas pu, pas su ou pas
voulu fuir comme il l’a fait. Cette fuite en avant prend même des airs
d'épiphanie lorsqu’il découvre que d’autres ont choisi la même forme de régressions
que lui. Il se croyait seul à souffrir. Il ne l’était pas. Il pensait que sa
fuite avait quelque chose d’unique et de grandiose. Il n’est qu’un parmi d’autres.
A quoi bon sortir d’un moule pour en rejoindre un autre ?
Au
fil des pages, Jules Feiffer compose une fable à la fois tendre et caustique
sur la crise de la quarantaine. Ces pages évoquent l'urgence d'une création sur
le fil. Le trait est sec et nerveux, mais d'une expressivité étonnante, autour
desquels s’articulent des dialogues percutants (Jules Feiffer est aussi
dramaturge et scénariste, à qui on doit le méconnu mais superbe Carnal Knowledge mais aussi le pénible Popeye)
J'ose parler de chef
d'œuvre. Et
on ne peut que féliciter les 400 coups d'avoir édité ce livre, voulu par Jimmy
Beaulieu. En effet, son potentiel commercial paraît tellement faible, au vu des
canons actuels. Mais il est des livres qui méritent d'exister et d'être
découvert. Tantrum est fait partie. S'il vous plaît, achetez ce livre. Vous ne
le regretterez pas!
Aboie George une perle pour les enfants que mon gamin adore
L’anthologie The Explainers de ses strips pour “The Village Voice” (uniquement en anglais), et je vous invite également à lire l'article qui lui est consacré sur l'excellent site du9. Ces strips satiriques restent d'une étonnante actualité alors qu'il ont été publiés il y a plus de 50 ans.
Et le recueil Je ne suis pas n’importe qui édité par Futuropolis
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