jeudi 28 avril 2016

René Hausman (1936 - 2016)



René Hausman est décédé ce 28 avril 2016.
Cet homme discret malgré sa stature imposante aura eu une carrière à son image: discrète mais remarquable. En plus d'une carrière d'illustrateur animalier, il aura signé de très nombreux albums, mais n'a jamais animé de série qui puisse fidéliser de manière durable un public, au même titre que Sergio Toppi (dont la seule série, Le Collectionneur, fut pour  ainsi dire une commande de son éditeur français, Mosquito) Dino Battaglia. (qui n'entama sa seule série, Les Enquêtes de l'Inspecteur Coke, que dans les dernières années de sa vie laissant d'ailleurs le troisième tome inachevé)


De lui, je retiendrai deux contes pervers réalisés avec Yann, lorsqu'il possédait encore toute sa force provocatrice: Les Trois Cheveux Blancs et Le Prince des Ecureuils ainsi que ce qui fut l'une des premières héroïnes de fantasy franco-belge: Laïyna coréalisé avec l'elficologue Pierre Dubois.
Je retiendrai également son alter-égo dessiné, oncle et mentor de Broussaille, qui joue un rôle important dans les Scuplteurs de Lumière
Je retiendrai enfin une Idée Noire jubilatoire réalisée dans le Trombone Illustré.

Son dernier livre était un hommage au Chlorophylle créé par Raymond Macherot, autre grand maître de la bande dessinée animalière franco-belge



vendredi 15 avril 2016

lundi 11 avril 2016

Quand souffle le vent, de Raymond Briggs




C'est l'histoire d'un gentil petit couple de retraités.
Des gens simples profitant de leurs vieux jours dans un petit cottage de la campagne anglaise.
Leur petit nid est un peu isolé, mais ils sont heureux.
Tout serait parfait si, au loin, il n'y avait cette menace d'une guerre mondiale. Ils ne comprennent pas grand chose à ce qui se trame au dessus de leurs têtes. Mais ils ne vont pas se laisser abattre pour autant !

 

Heureusement, le gouvernement a pris les choses en main. Il a édité une brochure que monsieur Bloggs, en bon citoyen, s'est empressé d'aller chercher à la bibliothèque municipale.
Cette brochure détaille tout ce qu'il faut savoir pour faire face à une attaque nucléaire.
Comment créer un abri.
Comment l'aménager.
Comment organiser la survie dans les 14 jours suivant l'attaque.
Ils se lancent donc dans les préparatifs, un peu inquiets. Mais aussi animés par une étrange excitation devant ce qui perturbe leur routine. C'est bien beau de peindre les fenêtres en blanc pour repousser la chaleur dégagée par une bombe nucléaire. Mais il ne faut quand même pas tâcher les rideaux.


Et pas question d'utiliser les beaux coussins du salon pour l'abri.

 

Ils seront prêts, nos gentils retraités, qui se rappellent du Blitz, confondent les boches et les russkofs, qui espèrent que leur grand garçon qui habite en ville pourra également se mettre à l'abri.
Pendant ce temps, au loin...

 

C'est à ma connaissance le seul livre pour adulte réalisé par Raymond Briggs, spécialiste des livres pour la jeunesse. Il s'attaque à la peur nucléaire, mais adopte un angle original.
Il se met à hauteur des gens les plus simples qui soit.
Ils ne comprennent pas grand chose, affichent bien un patriotisme de façade, mais bien maladroit et peu convaincu. Ils ne sont en rien concernés par ce qui se joue au dessus de leur tête.
Pourtant ils seront en première loge.
Pour eux, tout n'est qu'un petit jeu un peu absurde, qui implique de construire une cabane en attendant des jours meilleurs, tout en gardant une foi inébranlable en l'avenir. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Ensuite tout reprendra comme avant. C'est ce qui est arrivé après le Blitz, n'est-ce pas?
Ce sera pareil.
Une parenthèse désagréable...
S'ils savaient...
Raymond Briggs a traduit la petite routine de ses héros dans des pages chargées de petites cases remplies de dialogues qui témoignent de la complicité qui peut lier un couple de petits vieux qui s'aiment autant qu'il s'agacent gentiment. Une vie de petits riens, de répétitions, d'instants partagés, par opposition à quelques doubles pages oppressantes qui illustrent le compte-à-rebours inéluctable ou pour illustrer la compréhension très déformée des événements par le couple Bloggs.
When the wind blows est une fable tragique qui traite de cette angoisse sourde qui a accompagné la guerre froide.
Cette crainte d'une guerre qui serait, pour le coup, la vraie der des der.
Parce qu'après, il ne resterait plus personne.

On avait cru que la crise des missile cubains déclencherait les hostilités. Ce ne fut pas le cas.
Lorsque ce livre paraît en 1982, cette peur est ravivée. L'équilibre précaire des forces en présence est de plus en plus fragile, surtout que les USA préparent leur programme Star Wars, qui sera officiellement lancé en 1983.
Le livre fait sans doute  preuve d'une certaine naïveté. Elle est justifiée face à l'énormité de la menace. Briggs oppose les Puissant En Charge (the Powers to Be en anglais, j'ignore comment cette expression a été traduite en français) à de petites gens. Quoi de plus éloigné de l'ogre soviétique et du monstre impérialiste qu'un charmant couple de petits vieux, aspirant à une retraite à la campagne? Les Bloggs sont presque une image d'Epinal figurant le désir de cultiver son jardin, loin de la fureur du monde.
Ce très beau livre, inexplicablement indisponible en français, a connu en 1986 une adaptation en film d'animation, porté par une bande originale signée Roger Waters et la participation de David Bowi (qui chante la chanson-titre) ou encore Genesis.
Le film est visible ici, en version original non sous-titrée.


jeudi 7 avril 2016

A propos de Constellation, D'Adrien Bosc:demi coup de gueule




En cette nuit du 27 octobre 1949, le vol F-BAZN d'Air France décolle de Paris pour rejoindre New York. A son bord, 48 passagers et membres d'équipages de tous horizons. Le boxeur Marcel Cerdan est sans conteste le plus célèbre des passagers de ce vol. L'amant d'Edith Piaf se rend à New York en vue de tenter de reprendre le titre de champion du monde à Jake la Motta. Parmi les passagers, on trouve pèle-mêle Ginette Neveu, violoniste virtuose, Bernard Boutet de Monvel, peintre renommé, Kay Kamen, un cadre de Disney mais aussi de jeunes basques partant tenter leur chance dans les ranches américains, un jeune fille partie rejoindre sa tante, un homme d'affaire qui retourne aux USA pour annuler son divorce...





L'avion, un Lockheed Constellation , doit faire escale  sur l'île de Santa Maria dans les Açores. Probablement victime d'un problème d'instrument, l'avion s'écrase à 2h51 sur l'île de l'île de São Miguel, à quelques dizaines de kilomètres de la piste d'atterrissage. Il n'y a aucun survivant.
Le titre de ce roman fait autant référence au modèle de l'avion qu'à ses étoiles que l'on a reliées par des lignes imaginaires pour former un ensemble arbitraires . Chaque victime de cette catastrophe aérienne sont autant d'étoiles qui se sont retrouvées dans ce (cette?) constellation.  L'auteur s'intéresse à plusieurs destins. Pourquoi ces personnes se sont retrouvées dans cette avion ?
Marcel Cerdan
Marcel Cerdan devait prendre le bateau, mais pressé par Edith Piaf, il a décidé en dernière minute de prendre l'avion. Bénéficiant d'une place prioritaire, des passagers ont été contraints de laisser leur place au sein de ce vol.
Amélie Ringler était une petite ouvrière bobineuse qui fut soudain appelée par une tante oubliée partie faire fortune aux USA et qui, sans enfant, avait décidé d'en faire son héritière.
Pour Bernard Boutet de Monvel, ce voyage était le dernier. Il devait régler quelques derniers détails avant de se réinstaller définitivement en France.
Jean-Pierre Aduritz et Jean-Louis Arambel faisaient partie d'un groupe de jeunes basques qui partaient travailler dans les ranches.
Autant de destins singuliers qui n'auraient jamais dû que se croiser le temps d'un vol et qui se sont retrouvés liés pour l'éternité.
Ginette Neveu
Mais il y a aussi ceux auraient pu être dans l'avion, comme le luthier Vatelot, qui devait accompagner Ginette Neveu avant que celle-ci ne lui conseille de la rejoindre un peu plus tard. Bien des années plus tard, en 1977,  lors d'une émission du Grand Echiquier de Jacques Chancel, lors d'une séquence étonnante, lui sera remis la volute d'un violon que l'on pense être celui du Guadagnini que Ginette Neveu avait emporté lors de ce voyage. Séquence étonnante et étrange à revoir... non, pas à revoir. A lire, puisque qu'Adrien Bosc en livre une transcription.
Etienne Vatelot, dans le Grand Echiquier
Le moment est émouvant, mais je me suis surpris à ressentir une forme de frustration. Il y a peu, en préparant une note sur l'excellent roman Intérieur Nuit de Marisha Pessl, j'avais découvert que l'auteur avait développé un support multimédia très riche pour accompagner son roman. Grâce à une app, on pouvait accéder à de nombreux documents, iconographie, séquences filmées qui enrichissait la lecture. Pourtant tout ce travail a été complètement ignoré par Gallimard lors de la traduction du roman.
Dans le cas de Constellation, lire cette transcription m' adonné envie de voir la séquence. De saisir tout ce que la transcription ne traduit pas... les petits gestes, les légers silences qui trahissent les silence. Une recherche google m'a permis de trouver l'extrait en question.
Dans le même ordre d'idée, on parle de ce peintre, Bernard Boutet de Monvel, qui était très célèbre en son temps, sans jamais montrer son oeuvre. On nous explique la virtuosité de Ginette Neveu sans nous donner l'occasion de l'écouter. Sans oublier que ce roman se veut très documenter, sans doute à situer dans le roman de non-fiction qu'est De Sang Froid de Truman Capote. je ne doute pas que Adrien Bosc ait amassé une documentation impressionnante pour nourrir son livre.
Pourquoi ne pas la partager ?
Il y a dans le monde francophone une forme de snobisme qui considère que le livre est la seule fin en soi. Le reste est sans importance. A cette époque où nous sommes bombardés par l'information, n'est-il pas temps de faire bon usage de cette information? De ne pas la laisser se dissiper ?
Il suffit de peu de choses.
Un site internet pour rassembler cette masse d'information, de l'organiser.
Puis le connecter au texte.
L'hypertextualité sert à cela. Quelques QR Code à scanner si le coeur nous en dit...
Mais rien de cela.
Dans une note précédente, je parlais de la toute puissance de la maquette qui uniformise les livres pour les faire correspondre  au moule d'un éditeur, d'une collection. J'ai l'impression que cela s'inscrit dans la même logique, d'un livre considéré comme un objet  immuable qui ne peut évoluer.
Parfois, le sujet du livre se prête à un tel exercice. Non pas pour le dénaturer, mais pour l'enrichir.
Mais ce serait remettre en cause une vision quasi dogmatique du Livre.
Le monde de l'édition n'est visiblement pas prête à ce genre d'évolution.


Le memorial aux victimes sur l'Ile de São Miguel