mercredi 17 octobre 2012

Exercice D'Automne et l'art du bain japonais: Maruo et Koren





Il y a quelques années, je me suis intéressé à tout ce qui venait du Japon, d'un point de vue culturel.  Je découvris Yukio Mishima, Yasunari Kawabata, Kenzaburo Oe ou encore Natsume Soseki (grâce au manga Au temps de Botchan de Taniguchi et Sekikawa). Et je me mis évidemment à lire des mangas. Mais je me suis assez vite désintéressé du manga "classique", qui m'ennuyait assez vite, à quelques exceptions près, comme Lone Wolf & Cub, Monster, Jiro Taniguchi ou encore Osamu Tezuka, dont il est sans doute difficile pour nous, Européens, de saisir l'impact phénoménal qu'il a eu sur le monde du manga, et la culture populaire japonaise, encore plus profond que ce que peut représenter Hergé pour la Belgique. De nouveaux éditeurs firent leur apparition, parmi lesquels Matière, Imho et Le Lézard Noir, qui se spécialisèrent dans des mangas franchement alternatifs comme ceux de Tayiou Matsumoto, Junko Mizuno, Yuichi Yokohama dont j'ai déjà parlé sur ce blog... Je connaissais déjà Suheiro Maruo, pour avoir vu quelques planches dans Bang!, l'éphémère magazine de Casterman. J'avais été intrigué par son style à la fois très élégant mais aussi profondément glauque et morbide. Son oeuvre s'inscrit essentiellement dans le genre dit ero guro, un mouvement artistique japonais qui combine érotisme et éléments plus morbides et grotesques (une petite recherche d'image sur google avec les mots clé ero guro vous don, âmes sensibles, s'abstenir). Le nom le plus souvent associé à ce mouvement est celui de l'écrivain Edogawa Rampo, auteur de L'Ile Panorama ou La Chenille. Dans le monde du manga, on peut aussi citer certains mangas de Shintaro Kago, Junji Ito (dont Spirale est très réussi et relativement soft) ou Hideshi Hino. 
L'ero guro est un genre intrinsèquement malsain et transgressif. Les corps sont malmenés. Les mutilations et tortures sont fréquentes. La sexualité est déviante et il n'est pas rare que les récits se teintent de scatophilie. Le premier manga ero guro que j'ai lu était La Jeune Fille aux camélias, une histoire morbide à souhait dans laquelle une jeune orpheline vit un véritable calvaire dans un cirque ambulant composé de monstres de foire.
La particularité de Suehiro Maruo réside dans un représentation très crue des événements qu'il décrit qui tranche avec la grande méticulosité de son dessin, très fin et élégant. Je voudrais aborder deux petits ouvrages très particuliers illustrés par  Maruo, qui n'ont rien à voir avec le genre ero guroExercices d'automne, ou l'art de ramasser les feuilles mortes et L'art du bain Japonais. Ecrits par Leonard Koren, architecte, esthète, designer et éditeur américain (entre autres de la revue WET: The Magazine of Gourmet Bathing ) fasciné par le Japon, ces deux petits ouvrages se présentent comme des guides sur des activités à priori triviale: le bain, et le ramassage des feuilles mortes.


Leonard Koren décompose ces deux activités en étapes claires, illustrées avec minutie par Maruo. Paradoxalement, cette décomposition très factuelle et froide d'aspect ritualise ces activités et les rendent subitement riche de sens.



Leonard Koren, insiste dans son préambule et sa conclusion sur le fait que la notion de bain diffère fortement entre le Japon et l'Occident.  Au Japon, les notions de sale et de propre sont incompatibles. Autrement dit, le bain se décompose en deux grandes étapes: d'abord, le baigneur se lave à l'extérieur, puis il se glisse dans un bain chaud (40 à 50°, soit plus chaud que selon nos habitudes) et profite de ce moment pour se relaxer. L'acte de se baigner ne se limite donc pas à assurer l'hygiène du corps, mais aussi celle de l'esprit. Le bain, tradition ancrée dans la société japonaise (les premiers bains publics remontent au VIIIème siècle), est vraiment considéré comme un moment privilégié  et, encore de nos jour, reste même assimilé à une activité sociale, comme en témoigne la persistance de bains publics (sentō, où onsen lorsqu'ils tirent parti de source thermale, essentiellement hors des villes).

Si ceux-ci tendent progressivement à disparaître en ville, ils conservent une certaine importance dans la vie sociale. Souvent attenant à des laveries, il n'est pas rares que des gens profitent du temps de leur lessive pour aller se baigner et rencontrer des gens. Même les personnes disposant d'une salle de bain aiment à se rendre dans les bains publics, alors que le prise de bain dan la solitude de sa salle de bain personnelle serait de plus en plus souvent perçu comme une corvée. Koren y voit un indice de la nucléarisation grandissante de la société japonaise. Mais la jeunesse se détourne de plus en plus des sentō. Certains jeunes Japonais d'aujourd'hui sont embarrassés à l'idée de se montrer nus en public, ce qui les empêche de se rendre dans des sentō. Selon certains Japonais, ne pas faire l'expérience de cette nudité collective empêche les jeunes de se socialiser correctement.

Une affiche pour expliquer aux étrangers comment se comporter dans un sentō
Il arrive que des tension sociales s'expriment dans les sentō. Mais puisque les gens y sont nus, les différences de classes sociales ne peuvent être détectées que par caractéristiques physiques: les tatouages des Yakusas, parfois interdit pour raison de sécurité dans certains quartiers marqués par une forte criminalité,  ou les différence morphologiques des étrangers. Il ne s'agit pas à proprement parler de discrimination raciale, mais plutôt d'une crainte que des étrangers ne respectant pas les coutumes locales ne polluent le bain. C'est pour éviter ce genre de situation que de nombreux sentō affichent généralement à l'entrée le règlement et les coutumes en japonais et aussi dans d'autres langues (selon les régions, l'anglais, le chinois, le portugais ou le tagalog) pour les clients étrangers.

"Femmes au Sento" - Torii Kiyonaga (1752 - 1815)
Ce qui est frappant dans ces deux petits guides, à priori si techniques, c'est qu'ils témoignent aussi à leur manière de la nostalgie de son auteur. On sent qu'il défend un certain art de vivre qui semble se perdre.





lundi 8 octobre 2012

Le Sarcophage de Christin et Bilal





Enki Bilal fait partie des rares auteurs dont la notoriété a dépassé les limites du microcosme de la bande dessinée. A tel point qu'il donne parfois l'impression d'être perçu comme trop bien pour la bande dessinée par ceux qui ne la connaissent pas. La lecture de ces derniers livres peut d'ailleurs laisser supposer que Bilal doit aussi le penser à voir à quel point il semble vouloir se donner un vernis intellectuel et sembler coller à une image toc et creuse de son style.

Pour moi, Bilal, ce fut avant tout Exterminateur 17, découvert lors de son édition en format poche au Livre de Poche (initiative louable sur le principe mais catastrophe éditoriale tant le remontage et la réduction des planches qui s'en suivit fut affligeant). C'était mon premier contact avec une bande dessinée plus franco que belge. Bilal évoque plus Pilote et Métal Hurlant que Spirou et Tintin. A la même époque, je découvrais également  l'Incal de Moebius et Jodorowski, également dans ces horribles éditions de poche. Seul les trois premiers étaient parus, il me fallut longtemps pour me décider à lire la fin de cette série mythique.
Bilal, c'est un style immédiatement reconnaissable, très minéral. C'est aussi une approche de la bande dessinée plus adulte dans les thèmes abordés. Que ce soit seul ou en collaboration avec Pierre Christin, sa bande dessinée a longtemps eu une dimension politique.
Pierre Christin, justement, impossible de ne pas parler de leur collaboration, née de manière accidentelle. Christin venait de signer une fable écologique et burlesque: Rumeurs sur le Rouergue, dessinée par Jacques Tardi. Il voulait lui donner une "suite", que Tardi refusa de dessiner. Il se tourna vers un jeune auteur prometteur: Enki Bilal. Ainsi naquirent les Légendes d'aujourd'hui.
Puis, au tout début des années 80, Christin et Bilal signèrent deux chef d'oeuvres de la bande dessinée, que l'on peut comme un diptyque thématique au même titre que Z / L'Aveu de Costa-Gavras au cinéma:

  • Les Phalanges de l'Ordre Noir, sur les méfaits de l'extrême-droite pendant la guerre d'Espagne. Je dois confesser avoir longtemps détesté cet album parce que je ne le comprenais pas. Je n'avais alors aucune idée de ce que fut ce conflit, et j'ignorais que des volontaires du monde entiers se sont rendus en Espagne pour combattre dans un camp ou l'autre, alors que l'Europe hésitait en fascisme et communisme.
  • Partie de Chasse, qui met en scène la décrépitude du communisme "classique" forcé de s'adapter ou mourir.
Deux livres forts politiquement, brillants dans la forme et le fonds.
Depuis, les deux auteurs se sont retrouvés sur deux  autres livres, qui ne sont plus des bandes dessinées à proprement parler: L'Etoile Perdue de Laurie Bloom et Coeurs Sanglants (et autres faits divers), deux livres-enquêtes mélant adroitement fiction et réalité.
Et enfin, en décembre 2000, ils proposent Le Sarcophage, livre-objet qui appartient à une série de livres chapeauté par Pierre Christin: Correspondances. Ce livre est souvent négligé ou mal aimé, alors qu'il se révèle particulièrement réussi.
Je parle de Livre-Objet parce qu'il se présente sous la forme d'une plaquette promotionnelle grâce à laquelle des entrepreneurs s'adressent à d'hypothétiques investisseurs en vue de soutenir leur projet: le Musée de l'Avenir.
Au fur et à mesure que le lecteur tourne les pages, il ne peut qu'être frappé par l'obscénité de la démarche. Il ne s'agit, ni plus, ni moins que d'ouvrir un musée à la gloire du XXème siècle. Et si la glorification de ce que l'Homme a produit de plus dangereux, détestable et délétère sur cette période ne suffisait pas, le site choisi par les promoteurs du projet n'est autre que le site de Tchernobyl.

 

Pourquoi consacrer un musée à la gloire du XXème siècle ? Tout est muséable, et de préférence dans une scénographie spectaculaire, démagogique et putassière. Sur le tout muséable, il suffit de se rappeler que Jan Bucquoy a fondé le musée du slip, ou qu'il existe un musée du chicon (endive, au cas ou j'aurai des lecteurs français) à Bruxelles, qui  cherchait dernièrement un repreneur. J'ai habité près de 10 ans à un jet de chicon de ce haut lieu de vie culturelle, sans jamais y avoir mis les pieds. Sans doute ai-je eu tort. De plus, les exposition se doivent d'être de plus en plus spectaculaires, privilégier une expérience, une aventure riche en émotion, quitte à privilégier le toc d'une mise en scène blinquante à la valeur éducative et culturelle d'un musée.Pourquoi choisir Tchernobyl ? Franchement, où d'autre ? Les tours jumelles étaient encore debout lorsque le livre est sorti. Autrement, le site de ground zero aurait certainement plu aux promoteurs que Christin incarne avec une certaine jouissance. Tchernobyl, c'est à la fois la faillite du communisme et de l'énergie nucléaire, deux mirages du XXème siècle, qui continuent de hanter le XXIème siècle.
Ce projet est parfaitement dans l'air du temps, dans tout ce qu'il a d'hypocrite et de mercantile. Organisé en pavillons et salles qui sont autant de tableaux vivants mélangeant hologrammes et figuration à la limite de l'esclavage (à l'image d'une salle-prison où les figurants sont de vrais prisonniers, qui peuvent bénéficier d'une réduction de peine), dans laquelle les visiteurs, escortés de manière personnalisée, sont censés vivre une véritable "expérience".

 
Au menu, extrémisme religieux, dopage scientifique, exaltation des nouveaux aristocrates que sont les milliardaires les plus douteux, idéologies ramenées à de simples pantins vociférant, l'ONU comme un grande représentation théâtrale perpétuelle... On oscille entre dégoût et hilarité devant l'énormité de la chose. Les textes pataugent dans la mauvaise foi, le mensonge, l'obscène, le mépris. Les croquis préparatoires qui accompagnent la maquette contribuent à entretenir le malaise et l'absurdité de l'entreprise. Bilal réussit à donner corps aux délires des investisseurs et d'en suggérer le grotesque.


Les Liquidateurs
Mais des pages noires sont insérées dans cette plaquette (résultat d'un sabotage  ?), contrebalançant l'optimisme béat des promoteurs. Ces pages rappellent ce qu'est Tchernobyl à travers le sort des liquidateurs, témoignages d'officiels, de survivants... qui permettent de saisir toute la mesure de cet effroyable gâchis. D'une certaine manière, elle propose le négatif de la  photographie hypocritement idyllique présentée aux investisseurs.

 
 Un grand livre, cynique à souhait.

lundi 1 octobre 2012

Jesuit Joe, D'Hugo Pratt



Hugo Pratt fait partie selon moi des rares auteurs méritant leur place au panthéon des monstres sacrés du Neuvième Art. J'y intégrerais aussi, outre les intouchables Franquin et Hergé, Alberto Breccia, Will Eisner, Osamu Tezuka, Lynd Ward (injustement oublié, comme Frans Masereel, l'autre pionnier belge de la bande dessinée) ou Giraud-Moebius. Quelques autres manquent certainement, mais je n'essaye pas d'être exhaustif. Il existe déjà des google-octets de conversations enflammées sur le net sur le sujet, sans que personne ne soir d'accord.
De l'oeuvre de Pratt, on retient surtout Corto Maltese et Les Scorpions du Désert, ses deux séries les plus populaires. Mais il ne faut pas pour autant négliger les nombreux autres ouvrages qu'il a réalisés au cours de sa longue carrière. Parmi ceux-ci, Jésuite Joe s'impose à mes yeux comme une indéniable réussite.
Pratt a atteint sa pleine maturité, tant graphique que narrative. Jésuite Joe tire pleinement partie de cette maîtrise. Graphiquement, il fait preuve d'une grande économie de moyens. En quelques traits, il plante le décor: le Grand Nord canadien. Nombreuses sont les cases sans arrière-plan, si ce n'est le ballet des feuilles d'automne qui accompagne Joe durant la première partie, avant d'être subitement remplacées par un manteau neigeux. Il n'en faut pas plus. Tout autre détail serait superflu.
Qui est Jésuite Joe ? Pratt ne dévoile que peu de choses sur son passé. Métis, Il est le petit-neveu de Louis Riel (voir a ce propos l'excellent livre de Chester Brown). Nous apprendrons au fil du récit qu'il a chanté dans une chorale du père Jobert à Lake Artillerie Point et qu'il a une soeur.
Rien de plus.


Nous le rencontrons alors qu'il approche d'une cabane perdue au milieu de nulle part. Il pousse la porte. Une lettre attend d'être ouverte sur la table. Jésuite Joe se met a l'aise, prend son repas, l'oeil rivé sur la veste rouge de la Police Montée qui pend dans une armoire. Il est a l'aise, semble être chez lui. Mais ne serait-il pas un maraudeur ? Enfin, il se lève, enfile l'uniforme, allume une cigarette. Soudain, des coups de feu claquent. Joe réussit a prendre les tireurs a revers et les abats... puis les scalpent.
les 4 planches de l'attaque


Quelques pages muettes pour une séquence tellement simple mais qui, pourtant, garde une grande part de mystère. Il y a quelques chose d'irréel dans ce récit. Personnage sans passé, Jésuite Joe ne semble pas plus avoir d'avenir. Tous les personnages de Pratt, même les plus sombres, poursuivent un but, un rêve, une quête. Leurs actes, aussi cruels soient-ils, trouvent toujours une justification. Même lorsque Cush abat Stella dans Les Scorpions du Désert, cet acte, aussi incompréhensible puisse-t-il paraître a Koinski, s'imposait pour l'impitoyable Cush. A l'inverse, Jésuite Joe ne semble poursuivre aucun but. Il erre dans les étendues glacées du Canada.


Ces 2 cases illustrent également la manière dont Pratt joue des ellipses dans cette histoire. Jésuite Joe descend la rivière en canoë. Première case, descente paisible, puis gros plan, et le bruit d'un tambour. Combien de temps s'est-il passe entre la première et la seconde case ? Quelques minutes ? Quelques jours ? Pratt semble s'amuser de ce rapport au temps, laissant les évènement s'enchaîner sans transition aucune. Sur quelle durée l'errance de Joe s'étale-t-elle ? Si ce n'est le brusque passage de l'automne a l'hiver, Pratt ne livre aucune indication. De tout façon, un personnage sans passé ni avenir ne peut vivre qu'un éternel présent. A quoi bon perdre son temps a tenter de le représenter ? Pratt choisit donc de dilater le temps jusqu'à l'immobilité, sans pour autant nuire a la continuité. Du très grand art !

En quelques cases, voici un autre exemple de la maestria de Pratt. Il commence sa séquence de la même manière: Jésuite Joe descend la rivière sur une pirogue, puis plan américain sur Joe. Une répétition qui renvoie à cet éternel présent, d'un personnage qui vit sans se soucier du monde extérieur. Puis, inexplicablement, il tire sur des oiseaux dans les arbres. Trop de bonheur, sans doute. Deux cases pour illustrer le mystère autour de son personnage, à la violence toute aussi gratuite que détachée. Puis son arrivée dans le monde des hommes. Les bords du chemin semblent enneigés. Combien de temps s'est écoulé entre la quatrième et la cinquème case ? L'enchaînement coule de source, tout en étant beaucoup plus complexe qu'une simple succession de saynettes. C'est toute la magie de l'ellipse en bande dessinée mise en oeuvre.
Si Jésuite Joe se situe hors du temps, il semble aussi se situer également hors de tous repères moraux. Pourtant, chacun des rencontres qui jalonnent son parcours, et chacune de ses actions, semblent aller dans le sens d'une certaine justice, mais non sans une certaine ironie. Toute l'ambiguïté de ce personnage se situe dans la conscience qu'il possède, ou pas de la portée de ses actes. Que ses actions débouchent sur une certaine forme de justice relève-t-elle d'une démarche consciente de Jésuite Joe, ou n'est que le fruit du hasard ?
Il sauve un enfant enlevé par les Cree, mais quand il croise son père, il feint de ne pas être au courant. Si les parents se sont laissé enlever leur enfant, c'est qu'ils ne le méritaient pas.
Chargé de convoyer un couple soupçonné de meurtre, il les libère, prétextant qu'ils ne lui ont rien fait personnellement. Ironiquement, la lettre cachetée entrevue dans les premières planches contient l'ordre de libération des deux suspects, qui ont été innocentés. Il ignorait le contenu de cette lettre, qu'il n'a pas ouverte.
Lors de sa rencontre avec le père Jobert, Jésuite Joe lui dit:
Tu nous racontais qu'il fallait souffrir pour mériter le Paradis. Moi je n'ai jamais réussi a souffrir, par contre j'ai fait souffrir les autres.

Est-ce l'expression de regrets, en forme de confession, ou le simple constat d'un sociopathe ? Pratt se garde bien de répondre à cette question. Quête nihiliste, entre la beauté suggérée des plaines canadiennes et les actes de sauvagerie qui émaillent le récit, Jésuite Joe laisse une impression durable et se détache étrangement du reste de l'oeuvre de Pratt. La conclusion de récit, en forme de fausse sortie, n'y est probablement pas étrangère. Quel est ce craquement lugubre ? Nous ne le saurons jamais.



Il est à noter qu'Hugo Pratt a aussi publié le même récit sous forme de roman et qu'il existe un film adapté de la bande dessinée signé Olivier Austen. Le roman n'apporte pas grand chose, quand au film, je l'ai vu il y a longtemps et il ne m'a pas laissé de souvenir particulier.