mardi 8 décembre 2015

David Mitchell: une trilogie "connectée"




Comme pas mal de gens, j'ai entendu parler pour la première fois de David Mitchell lorsque la première bande annonce du film Cloud Atlas des Wachowski et de Tom Tykwer est apparue en ligne. Cette bande annonce hors-norme de plus de 5 minutes avait de quoi intriguer à plus d'un point de vue. De quoi inquiéter aussi, devant certains choix plutôt surprenant comme de faire jouer de multiples rôles aux acteurs, quitte à faire de Halle Berry une blanche lors d'un segment (pourquoi pas) ou d'Hugo Weaving une infirmière (!) revêche dans un autre. Le résultat tenait parfois plus du ravalement de façade que du maquillage. Je n'ai pas vu le film, qui semble susciter des réactions très partagées, entre admirateurs et adversaires. Il fut en tout cas un échec commercial cuisant. Mais son sujet m'intriguait. Je me suis donc intéressé au roman qui l'a inspiré: Cartographie des Nuages (qui fut parmi les finalistes du Booker Prize en 2004).
David Mitchell
Un roman ?
Plutôt un recueil de nouvelles à la structure très particulière. Au départ, ces nouvelles ne semblent pas être reliées entre elles. Qu'est-ce que qui peut bien relier un médecin hollandais en voyage dans les colonies à la fin du XVIIIème siècle, un éditeur londonien de la fin du XXème et un clone dans une Corée futuriste ? Ce que David Mitchell, diplômé de littérature anglaise  qui a enseigné l'anglais pendant 8 ans à Hiroshima, nous dit dans ce recueil, c'est que tout est connecté dans temps.
Chaque histoire influence de manière plus ou moins forte l'histoire qui la précède. Ainsi, le journal que tient le docteur dans la première histoire est acheté par le jeune compositeur de la deuxième histoire, dont la pièce musicale maîtresse sera le morceau préféré de la journaliste de la troisième histoire, et ainsi de suite.
Les relations vont en s'amplifiant, comme dans le principe du battement d'ailes d'un papillon.
Autre originalité formelle, sans doute la plus surprenante, David Mitchell a choisi d'enchâsser ses textes les uns dans les autres. La première nouvelle est interrompue abruptement, laissant la place à la deuxième, qui est à son tour interrompue par le début de la troisième et ainsi de suite jusqu'à ce que la septième nouvelle ne se tienne d'un bloc au centre du recueil et que se termine ensuite successivement les récits 6 à 1. Ce choix peut sembler surprenant mais il entretient l'idée de connections reliant ces histoires, et d'un univers qui se déploie.
Cette idée de la connection entre des histoires à priori indépendantes, David Mitchell l'avait déjà explorée dans son recueil précédent: Ecrits fantômes. Cette fois la connection n'est pas temporelle mais spatiale. la dizaine de récits que composent ce recueil sont tous plus ou moins contemporains, mais se déroulent entre Londres, le Japon, la Mongolie... Pourtant, les destins des personnages se croisent, de manière parfois fugitives, parfois plus significatives.
Dans son ouvrage suivant,Les 1000 automnes de Jacob de Zoet (également finaliste du Booker Prize en 2011), David Mitchell semble remettre en cause ce qu'il a énoncé jusque là.
Dans le Japon de la fin du XVIIIè me siècle, il raconte l'histoire de Jacob, clerc intègre parti chercher fortune dans la COmpognie Hollandaise des Indes Orientales. Il découvre la corruption qui règne dans la le comptoir commercial où il a été assigné et tente d'y mettre un terme.
C'est aussi l'histoire d'Orito, jeune japonaise défigurée qui étudie la médecine.
Ils se croisent.
Jacob en tombe amoureux.
un comptoir commercial japonais en 1800
De là, l'auteur tisse sa toile, suivant alternativement Jacob et Orito. Pourtant, alors que tout est en place pour que cette connection se fasse, il semble vouloir nous signifier que certains mondes ne sont pas faits pour se rencontrer. Au final, ce livre se révèle être composer de deux romans distincts, qui se rejoignent parfois, se séparent, se retrouvent de nouveau mais dont on sent qu'il traitent de deux mondes qui ne peuvent que se côtoyer mais jamais se rejoindre. Situer cette histoire dans le Japon de la fin du XVIIIème siècle , encore isolé mais obligé d'ouvrir certains comptoirs commerciaux, n'est pas innocent. David Mitchell ne pouvait choisir un plus bel exemple de sociétés qui se toisent mais ne se rencontrent pas.
Trois livres très différents qui interrogent la connection entre les gens, sur l'influence qui peut résulter de faits anodins. Paradoxalement, c'est quand les personnages en font le plus pour que quelque chose arrive que cette chose semble inaccessible.
Trois livres que j'aime beaucoup pour des raisons différentes.



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