Certaines nouvelles de Saki, dont je parle dans cette note, ont été adaptées en court-métrage. je suis tombé sur
cette version de La fenêtre ouverte avec l'excellent Michael Sheen. Elle est très fidèle à l'esprit du texte originale. Elle est malheureusement en anglais non sous-titrée.
En 2005, JC Menu édite 'Plates-bandes', petit livre pamphlétaire qui fera quelques vagues. Il y cite Pajak, que la bande dessinée ne le fait plus rêver, alors que selon Charb, la bande dessinée l'emmerde. Cela s’applique également à moi, ancien lecteur compulsif. Pourtant, je continue d'aimer des livres qui se trouvent être parfois des bandes dessinées. A travers ce blog, j'ai envie d'explorer ce qui me fait toujours rêver, et, parfois, parler de ce qui fait que la bande dessinée m'emmerde.
mercredi 16 septembre 2015
Hector Hugh Munro, dit Saki, un auteur à redécouvrir d'urgence!
Quand
j’étais gamin, j’adorais un livre dans la bibliothèque de mes parents. C’était
une anthologie de Jacques Stenberg consacrée aux récits d’épouvante: Les Chefs d’Oeuvres de l’Epouvante. Plus que les nouvelles qui composent ce recueil,
c’est d’abord par ses illustrations que ce livre m’a fasciné. La couverture
signée JP Gourmelen m’a déjà durablement marqué, mais des années plus tard, je
me rappelle encore très distinctement de certaines pages.
Ce livre
fut pour moi la porte d’entrée pour de nombreux auteurs. C’est dans ses pages
que j’ai croisé pour la première fois Philip K Dick, Guy de Maupassant, Ray Bradbury,
Jean Ray, Robert Bloch… et cet auteur au mystérieux pseudonyme: Saki.

Bien des années plus tard, en
expédition à la Fnac pour dégotter des livres pour occuper mes séances de
lézardes au bord de la piscine en vacances. Mon regard tombe sur Reginald,
suivi de Reginald en Russie, de Saki. Je me suis directement souvenu de Gabriel-Ernest
et j’ai acheté ce recueil sans réfléchir.
J’ai adoré ce livre et je suis
depuis un inconditionnel de Saki. Et je dois reconnaître avoir du mal à
comprendre pourquoi cet auteur reste aussi confidentiel.

Il laisse une oeuvre singulière, marquée
par un humour noir, féroce et grinçant, se moquant volontiers de l’aristocratie
anglaise. Outre deux romans: L’insupportable Bassington (étrangement mélancolique
et pessimiste) et Quand Guillaume vint (une curiosité décrivant l’angleterre
sous l’occupation prussienne du Kaizer Guillaume), l’essentiel de son oeuvre
tient en plus d’une centaines de nouvelles souvent réjouissantes.
En général n’excédant pas une
quinzaine de pages. Elles allient l’efficacité d’un Maupassant à l’esprit
“so british” d’un Oscar Wilde. Elles regorgent d’aphorismes et de piques .
“Ne soyez jamais un précurseur : c'est toujours au premier chrétien qu'échoit le plus gros lion.”
“Ne vous attendez pas à ce qu’un garçon soit dépravé tant qu’il n’a pas été envoyé dans une bonne école.”
“Les jeunes ont des aspirations qui ne se concrétisent jamais, les vieux ont des souvenirs de ce qui n’est jamais arrivé.”
“L’art de la vie publique, c’est de savoir exactement où il faut s’arrêter, et d’aller un peu plus loin.”
"Tous les gens bien vivent au-dessus de leurs revenus aujourd'hui, et ceux qui ne sont pas respectables vivent au-dessus du revenu des autres. Quelques individus particulièrement doués réussissent à faire les deux à la fois."
Les sujets
de prédilections sont l’enfance et l’aristocratie anglaise. De nombreuses
nouvelles mettent en scène la bonne société tournée en ridicule par ses
enfants. Pour Saki, l’enfance semble malgré tout se continuer jusqu’à l’âge
adulte. Ainsi, deux personnages récurrent, Clovis et Reginald, sont de jeunes hommes
qui observent leurs aînés avec une ironie mordante. Ils sont sur le
point de faire leur entrée dans la société des adultes, mais se complaisent
dans cette période charnière où ils profitent de leur statut de jeunes hommes pas
encore introduits dans la vie active tout en étant complètement conscient de
l’hypocrisie qui les entourent. L’antichambre de la vraie vie, pourrait-on
dire. Leur oisiveté leur laisse tout loisir pour tirer profit de la situation,
déjouant les conventions avec une Plaisir évident.
On pourra
lui reprocher d’être parfois misogyne, mais c’est aussi un héritage de son
époque. Saki est surtout terriblement drôle, s’amusant des contradictions et de
l’hypocrise de le “bonne société”. On sent qu’il règle volontiers ses comptes
avec ses tantes, qui ne sont jamais, par définition en bonne santé. Il ne
ménage pas ces mères respectables qui tentent de marier leur boulet de fils à
tout prix, ces hommes stupides engoncés dans les conventions…
Alors que
Downton Abbey, qui met en scène à quelques années d’écart le monde que Saki
moquait, rencontre un tel succès et qu’approche le centenaire de sa mort, le
moment semble idéal pour redécouvrir cet auteur.
Malheureusement,
son oeuvre est disséminée un peu partout.
Il me
semble que les 3 recueils parus chez la livre de poche représentent l’approche
la plus exhaustive de ses nouvelles.

Une
intégrale de ses nouvelles en français existe mais il semble que la traduction soit médiocre.
Sinon,
l’intégrale de ses textes est disponible chez Penguin Classics à un prix très
avantageux. L’anglais n’est pas insurmontable, selon moi.
En tout
cas, les vacances sont souvent propices aux découvertes littéraires.
Essayez
Saki.
Il convient
parfaitement à la lecture pour les navetteurs, pour les longs trajets en avion,
sur le bord de la piscine, sur la terrasse… Saki peut sp’apprécier en toute
circonstance!
jeudi 10 septembre 2015
Père et fils (Vater und Sohn), de E.O. Plauen (au éditions Warum)
Il faut parfois ruser pour attirer l'attention.
C'est ce qu'a fait Wandrille Leroy, fondateur des éditions Warum, pour promouvoir l'intégrale de Père et fils (Vater und Sohn), de l'allemand Erich Ohser.
Comment faire exister cette réédition d'un classique de la bande dessinée allemande, réalisée entre 1934 et 1937,parue sour le pseudonyme de E.O. Plauen. Si ces planches sont un classique de la littérature pour la jeunesse en Allemagne, comment y intéresser le public francophone ?
En rusant, tout simplement.
C'est ce qu'a fait Wandrille Leroy, fondateur des éditions Warum, pour promouvoir l'intégrale de Père et fils (Vater und Sohn), de l'allemand Erich Ohser.
Comment faire exister cette réédition d'un classique de la bande dessinée allemande, réalisée entre 1934 et 1937,parue sour le pseudonyme de E.O. Plauen. Si ces planches sont un classique de la littérature pour la jeunesse en Allemagne, comment y intéresser le public francophone ?
En rusant, tout simplement.

Erich Ohser était un illustrateur et caricaturiste renommé en Allemagne. Mais ces prises de positions farouchement opposées au nazisme provoqua sa mise à l'index par le gouvernement. Il réussit pourtant à obtenir le droit de réaliser une série à condition de ne pas parler de politique et d'utiliser un pseudonyme. Il choisit E.O. Plauen: ses initiales auxquelles il accola sa ville de naissance.
Sur le papier, quoi de plus innocent qu'un père et son fils ?
Et pourtant, un doux parfum de subversion plane sur ses pages. Le père, rondouillard et chauve, est loin de l'idéal aryen. Père et fils sont volontiers farceurs et rêveurs, ce qui contraste avec la dureté de l'époque. Mais il y a aussi une certaine gravité qui traverse ces strips, comme si l'auteur n'arrivait pas, ne voulait pas faire abstraction du contexte.
Vater und Sohn rencontra un succès fulgurant, avant que l'auteur ne décide d'y mettre un terme pour éviter qu'elle soir récupérée par le régime. Il continua de travailler, mais en continuant d'affirmer son opposition au pouvoir, il sera finalement arrêté en 44. Il se suicidera en prison la veille de son procès.
Le destin tragique de Erich Ohser offre un bel angle d'attaque pour les journalistes et les libraires. Cela a grandement augmenté la visibilité de ce beau livre, qui a bénéficié de nombreux articles dans des journaux comme Le Monde, Les Inrocks...
Mais tout cela ne doit pas nous éloigner de l'essentiel.
Pourquoi Wandrille Leroy a-t-il tenu à éditer cette intégrale ?
Le destin tragique de Erich Ohser offre un bel angle d'attaque pour les journalistes et les libraires. Cela a grandement augmenté la visibilité de ce beau livre, qui a bénéficié de nombreux articles dans des journaux comme Le Monde, Les Inrocks...
Mais tout cela ne doit pas nous éloigner de l'essentiel.
Pourquoi Wandrille Leroy a-t-il tenu à éditer cette intégrale ?
Simplement parce que, malgré leurs 80 ans d'âge, les strips de Erich Ohser restent d'une fraîcheur, d'une poésie et d'une tendresse rare. C'est finalement ce qu'il faut retenir: la délicate musique qui émane de ces petites histoires.
Plus étonnant encore, mon gamin de 5 ans et demi me demandait ce que je lisais. je lui ai montré quelques pages et il a directement accroché. Depuis, il reprend régulièrement Père et fils pour le lire. Je le vois rire aux éclats des facéties des 2 personnages.
C'est sans doute là le plus bel hommage rendu à Erich Ohser: que 80 ans après sa création, son oeuvre continue de faire rire des enfants et des adultes. Et sans la petite ruse de l'éditeur, je serais sans doute passé à côté de cette petite perle.
lundi 7 septembre 2015
D'argile et de Feu, d'Océane Madeleine, Prix Première 2015
Je suis un point qui marche
Dès les premiers mots, d'Argile et de Feu intrigue
et emporte.
Céramiste et écrivain, Océane Madeleine,
dont c’est le premier roman, y conte les destins croisés de deux Marie.
Marie d’aujourd’hui, femme meurtrie qui
fuit, marquée par une tragédie qui a détruit son enfance.
Marie d’hier, Marie Prat, enfant bâtarde
d’un potier de renom qui décida, en plein XIXème siècle, de braver les
traditions pour marcher sur les traces de son père et devenir elle-même potière.
Marie d’aujourd’hui, au fil de son
errance, échoue sur les terres de Marie Prat. Elle va y découvrir la vie de
cette femme. Son oeuvre. Et au travers de son histoire, va se reconstruire.
Pour ce premier roman très bref mais
dense, Océane Madeleine rend tangible son amour de la terre. La céramique,
c’est travailler l’argile et, grâce au feu, faire naître quelque chose d’une
matière qui semble inerte.
Le feu est autant purificateur que géniteur.
Le danger dans ce genre de roman est
qu’il se perde dans une symbolique trop présente. Que les intentions étouffent
le propos. D’une certaine manière, le déroulement de cette histoire est cousu
de fil blanc. Sans déflorer la fin, il est clair que ce récit ne peut que
raconteur la guérison de Marie. Ce qui fait la réussite de ce roman, c’est la
manière dont l’auteur manie les mots, joue des images, transmet sa passion du
mariage du feu et de l’argile.
L’écriture est pure et subtile, jouant
habilement des signes sans se perdre dans un lyrisme agaçant.
Je suis un point qui marche
6 mots simples qui en disent pourtant
long sur Marie.
Un très beau premier roman qui s’est impose très vite
comme le lauréat du Prix Première, auquel j'ai eu la chance de participer en tant que membre du jury de cettte édition.
vendredi 4 septembre 2015
Visitations, de C.S. Morse
Voici un livre peu connu qui m’a toujours
laissé une étrange impression.
Je l’avais acheté, séduit par le
graphisme très particulier de C.S. Morse (qui signe Scott Morse sur la réédition), sans
rien savoir du sujet. Il se dégage une certaine chaleur de ce trait rond au
trait délié. L’auteur démontre aussi une belle maîtrise en terme de composition
et propose une narration très fluide.
Par contre, le sujet de ce livre me
laisse plus circonspect.
Dans le préface, l’auteur confesse sa
fascination pour les fantômes et les esprits. Mais il regrette que, trop
souvent, les esprits qui apparaissent dans les histoires soient malveillants.
Ainsi est née son envie de réaliser ce recueil mettant en scène des esprits
bienveillants. Pour Scott Morse, cela semble impliquer exclusivement l’imagerie
chrétienne des anges et de la Vierge.
Dans Visitations, une femme dévastée
entre dans une église, espérant s’y isoler. Survient le prêtre qui engage la
conversation. Lorsqu’elle émet des doutes sur l’existance de Dieu, le prêtre entreprend
de la détromper. Il saisit le journal du jour et prend le pari de trouver
l’influence divine dans 3 articles qu’il choisira au hasard. Ce mécanisme narrative
repose sur une vieille recette de la fiction prosélyte: un sceptique, de
préférence en détresse et/ou en colère, face à un croyant, évidemment heureux,
qui lui apporte le réconfort en démontrant l’existence de Dieu-qui-est-amour.
La ficelle est éculée et s’accompagne d’une
démonstration lourde et naïve. J’étais alors tenté d’abandonner la lecture, peu
intéressé par le prêchi-prêcha qui s’annonça. Mais puisque le livre était
court, j’ai continue la lecture sans guère d’illusion. En effet, les deux
premiers récits sont poussifs et maladroits. Au commencement de la dernière
histoire, j’étais résigné. C’est alors que dans son ultime pirouette, Morse m’a
pris par surprise. Si sa chute est cousue de fil blanc, elle amène parfaitement
la conclusion qui est plus ambiguë que je ne le craignais. Je me suis même
senti sincèrement ému, d’autant plus que Morse y renonce un temps à ses bondieuseries:
plus d’anges nimbés de lumière, plus de vierge en larmes… Morse s’y montre même
subtil et suffisamment mystérieux pour laisser la Grande Question en suspens,
préférant en finir sur une note intime et pudique.
A vrai dire, je ne comprends pas vraiment où l’auteur veut en venir. Sa conclusion ne semble pas cohérente avec ce que le livre semblait être
au départ: un récit édifiant de rédemption chrétienne (la “renaissance” des
born again Christians). Mais la maladresse des premières histoires déforce la
dernière.
Et pourtant…
A chaque relecture, je me surprends à sentir
de nouveau cette émotion qui m’avais saisi la première fois. Pourtant, l’effet
de surprise ne joue plus.
Pourquoi Visitations me touche toujours
autant ?
Je ne saurais le dire. Mais c’est sans
doute parce que, malgré ses maladresses, C.S. Morse a du talent.


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