En 1995 paraît “L’or et L’esprit”, premier tome du
“Tribut”, signé Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand, déjà associés sur le
très intéressant Requiem Blanc. Je découvris cet album quelques années plus
tard et tombai sous le charme de cette bande dessinée de science-fiction
terriblement originale et réussie. J’y ai déjà consacré une note sur ce blog.
J’avais alors appris qu’un deuxième tome, L’aigle de
Lafcadio, avait été prébublié dans le mensuel (A Suivre) mais n’avais jamais été repris en
album, la série étant abandonnée suite à une decision de l’éditeur qui préférait
que Rochette renoue avec un style plus humoristique. Le résultat Napoléon et Bonaparte, une série de gags qui fut publié dans les pages d’un (A suivre) plus
que moribond.
Profitant de l’exposition médiatique due au Transperceneige, Cornélius annonça la publication d’une intégrale de cette
série méconnue. Il fallut plus de 2 ans pour que cette intégrale, qui reprend
dans une version recolorisée L’or et L’esprit, L’Aigle de Lafcadio ainsi qu’une conclusion inédite de 16
pages qui clot la série initialement prévue en 3 ou 4 tomes, arrive en
librairie. Ce retard me fit craindre un moment que le projet ait été purement et
simplement abandonné par Cornélius.
La version originale, trop sombre et parfois difficilement lisible |
La version recolorisée, plus lisible |
Je me
suis plongé dans cette intégrale avec beaucoup de curiosité.
L'Or et
L'Esprit fait partie pour moi des toutes grandes bandes dessinées des années
90. Si l'argument de départ semble d’abord évoquer La Guerre Éternelle,
son traitement très original m'avait directement séduit. Il se dégageait une
impression d'oppression permanente, de noirceur et de mystère rarement atteinte
dans la bande dessinée. Même conscient qu’une suite avait été dessinée, je
continuais de considérer L’Or et l’Esprit comme un one-shot qui s’achevait sur
une conclusion en guise de point d'interrogation que j'aimais beaucoup.
Je dois reconnaître avoir toujours été sensible à ses
conclusions forcées par la force des choses.
Quand une fin en points de suspension devient une fin
définitive.
Juan Gaviero lâchant un mystérieux Il y aura
d'autres éclipses
Et puis ?
Cette fin me convenait.
Il y aura d'autres éclipses.
Nous
étions resté au bord de l'abîme.
Il me fallait maintenant sauter et découvrir ce que les
auteurs avaient prévu.
Je dois reconnaître qu'en première lecture, j'ai détesté
la suite.
En deuxième lecture, j'ai mieux apprécié cet Aigle de
Lafcadio, qui nous emmène loin de Deux-Lunes.
De l'ambiance poisseuse du premier tome, tragédie en huis
clos, nous passons à un récit de SF plus conventionnel, qui m'a directement
évoqué JC Forest, entre Barbarella et les Naufragés du Temps. L'alchimie du
premier tome ne fonctionne plus que ponctuellement. Je n'arrive pas à
m'intéresser complètement à cette histoire, et arrivé à cet épilogue inédit
qui, fatalement, tombe un peu à plat, je ne peux m'empêcher de regretter cette
fin qui me semblait parfaite.
Il y aura d'autres éclipses...
J'aime les fins en point de suspension, celles qui laissent le mystère entier.
Tout ne doit pas être expliqué.
Tout ne doit pas finir.
Parfois, rester au bord de l'abîme, dans l'ignorance de ce
qui vient après est la plus belle des conclusion pour une histoire.
Pour moi, il aurait pu, il aurait dû en être ainsi pour le
Tribut.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire