Brune paraît aux éditions Albin Michel en 1992.
Il s'agit du premier livre d'Emmanuel Guibert, un jeune auteur encore inconnu adoubé par Tanino Liberatore. Il s’est depuis imposé comme l’un des auteurs les plus intéressants des années 2000 avec des oeuvres aussi marquantes que Le Photographe et La Guerre d’Alan, tout en scénarisant des bandes dessinées pour enfants comme Les Sardines de l’Espace.
Il s'agit du premier livre d'Emmanuel Guibert, un jeune auteur encore inconnu adoubé par Tanino Liberatore. Il s’est depuis imposé comme l’un des auteurs les plus intéressants des années 2000 avec des oeuvres aussi marquantes que Le Photographe et La Guerre d’Alan, tout en scénarisant des bandes dessinées pour enfants comme Les Sardines de l’Espace.
En ouvrant Brune, on peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas d'un homonyme tant le style est différent, presque diamétralement
opposé. Ce livre semble tellement à part dans sa bibliographie que je n’hésiterai pas à le considérer comme un faux départ pour
Guibert.
Ranx, de Liberatore |
Dans une Brune, tout – les anatomies, les perspectives… – cherche à affleurer à la surface, à prendre sa place : il est clair que je ne me sens à l’aise avec rien de tout cela, je me sens incapable de m’en sortir, tout en ayant une fringale de le faire. Donc j’essaye de tout border, au détriment de ce que je raconte. Puis vient le moment où cette nécessité se fait moins forte parce que l’essentiel se dégage, en l’occurrence la nécessité de raconter bien une histoire et parce que votre dessin, s’il a bien évolué, vous sert dans ce propos en allant plus naturellement à l’essentiel.
A la lecture de cet album, et sans connaître
les conditions de sa réalisation, je dois reconnaître avoir été extrêmement surpris
de voir le nom de Guibert associé à ce livre. Le scénario s’attache à quelques
événements-clés de la montée du nazisme, culminant avec l’incendie du Reichstag.
Là où le bât blesse, c’est que le scénario se perd dans cette très mauvaise
idée de faire d’Hitler une forme de Faust inspiré par un mystérieux ami
politique du nom de Hinkefuss (qui peut se traduire par “Pied Boîteux”). "Mein Kampf" serait même un
livre remis par le Diable lui-même à Hitler. Je n’y vois
personnellement qu’une allégorie niaise et facile. La narration elle-même paraît empesée, sans
que j’arrive à me dire si ce livre est sensé être un one-shot ou un premier tome
tant il semble n’être qu’une mise en place, laissant ses personnages en plan
sans que rien ne se soit réellement passé.
Graphiquement, on sent Guibert batailler avec un style qui ne lui est pas naturel. Il semble écrasé par un part-pris ultra-réaliste qu’il ne maîtrise pas. Techniquement, je dois reconnaître que le résultat est intéressant, surtout considérant qu’il s’agit d’un premier tome. Mais cette approche ultra-réaliste me semble très datée, froide et raide. En tout cas, elle est à 1000 lieues de l’épure lumineuse qui caractérise Guibert depuis. Son dessin a gagné en légèreté et en dynamisme. Il n’y a guère que quelques techniques de mise en page que l’on peut trouver en commun entre Brune et La Guerre d’Alan. Pour le reste, il n’y a rien de commun.
Emmanuel Guibert aurait mis 7 ans à
réaliser Brune, alternant avec des travaux d’illustration et de storyboarding.
Après cette expérience éprouvante, il rejoint l’Atelier Nawak en 1994 où il cotoye
Joann Sfar, Christophe Blain, Emile Bravo, David B, Frédéric Boilet, Fabrice
Tarin, Hélène Nicoux et Tronchet. Au fil des années et des projets de collaborations
avortées, Guibert s’affute et finit par illustrer La Fille du Professeur, sur
un scénario de Sfar. En parallèle, il rencontre Alan et commence à recueillir
ses souvenirs.
La suite est connue.
Et pourtant, au vu de ce premier livre
boursouflé, il était difficile d’imaginer que Guibert puisse s’imposer comme l’auteur
qu’il est.
Un faux départ, vraiment.
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