mercredi 11 mai 2016

Tram 83, de Fiston Mwanza Mujila (dauphin du Prix Première 2015)


Cet article a été initialement publié le 22 mai 2015. J'ai décidé de le remettre en ligne après avoir vu que ce livre bénéficiait d'une sortie au Livre de Poche, augmenté d'une préface d'Alain Mabanckou. C'est l'occasion de lui redonner un petit coup de projecteur.

Retour sur le Prix Première, dont je fus juré pour l'édition 2015, en évoquant Tram 83 de Fiston Mwanza Mujila.
Un peu à la surprise générale, ce livre s’est hissé au dernier tour lors des délibérations. Mais il était trop particulier pour pouvoir disputer le titre au très beau roman d’Océane Madeleine.
Pour être tout-à-fait honnête, je n’aurais jamais lu ce roman de moi-même. Mais faisant partie des sélectionnés, je fus bien obligé de le lire. Dès les premières pages, j’ai craint que cette lecture ne soit très longue et très ennuyeuse. Le style m’a complètement déstabilisé. Mais je me suis senti force de persévérer puisque faisant partie du jury.
Puis, au fil des pages, la magie a commencé à opérer. Je me suis laissé imprégner par l’écriture si particulière de Fiston Mwanza Mujila. J’ai très vite compris que l’histoire n’était pas particulièrement importante. L’intrigue souffre d’ailleurs de quelques chutes de rythme, ce qui est fréquent dans un premier roman. Par contre, il brosse une fresque incroyable, bigarrée et bruyante d’un monde en perdition.
Lucien, intellectuel et écrivain, débarque à la Ville-Pays, fuyant l’Arrière-Pays et espérant faire son trou dans cette ville-cloaque. Il y retrouve son pote Requiem; seigneur-ès-magouille en tous genres. Il y fera la connaissance, entre autres, de Malingeau, éditeur autant intéressé par ses écrits et par les femmes qui hantent les trottoirs et les cafés, à l’affut de tout ce qu’elles pourraient récupérer.
 Mais en attendant, il faut se débrouiller. La poésie ne nourrit pas son homme et est même perçue comme du parasitisme. Contrairement aux magouilles incessante de Requiem, vampire-parasite qui n'existe que pour l'argent facile et malhonnête si possible.
Tout ce petit monde gravite autour du Tram 83, là où tout se passe, où tout le monde se retrouve… véritable centre névralgique de la ville, où les for unes se font et se défont.
Tram 83, c’est un tumulte permanent, une frénésie de tous les instants. Ce sont des conversations qui se mélangent, s’entrechoquent puis reprennent leur cours. Ce sont des corps qui dansent, une musique omniprésente et noyée dans le fracas des verres qui claquent, des éclats de voix, des canetons qui vous abordent: “Vous avez l’heure? Je suce divinement”, des touristes prêts à se faire plumer, des fille-mères qui tentent de soustraire leurs proies aux canetons, les étudiants grévistes, les mineurs, les magouilleurs et la diva des Chemins de Fer qui électrise la foule.
Tout s’entrechoque.
Tout se chevauche.
Tout se fond dans un magma de bruit et de couleur qui défie toute description, si ce n’est par la simple recension de tout ce qui compose ce chaos hurlant la vie comme pour mieux exorciser la mort.
Comment ne pas se brûler les ailes dans cette fournaise?
Comment survivre?
J'ai eu du mal à entrer dans ce livre. Au final, je fus un de ses défenseurs parce que je pense qu’il mérite que l'on fasse l'effort de se frayer un chemin dans ses pages. Si certains livres vous accueillent à bras ouverts, d'autres exigent que l'on joue des coudes, qu'on s'agrippe; 
Tram 83, c’est un train fou mais il ne faut pas avoir peur d'y monter.



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