Je ressors de ma bédetéhèque ce un petit livre étrange et méconnu de la collection X (première époque de Futuropolis, sous l'ère d'Etienne Robial).
Contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, ce livre n'a rien à voir avec les Ziegfeld Follies, célébrissimes revues de music hall du début du XXème siècle.
Il s'intéresse à Ziegfeld Horowitz , petit employé sans envergure. Nous ne savons pas grand chose de lui. Célibataire, on l'imagine gratte-papier discret et effacé dans un bureau sans âme. Sans ami, seul, il mène une vie sans relief. Sa seule passion consiste à scruter la vie de Lucie, qui habite en face de chez lui. Le matin, alors que tout-un-chacun ouvre ses tentures, Ziegfeld ferme les siennes. Elles sont percées de deux trous qui lui permettent d'observer Lucie en toute discrétion. Il profite de la douche de cette dernière pour prendre son petit déjeuner afin de ne pas envahir son intimité. Il prend le même bus qu'elle pour se rendre au travail. C'est à ce moment qu'il est le plus proche d'elle. Mais dès qu'elle est descendue, il reprend le bus dans le sens inverse pour rejoindre son travail.
La vie de Ziegfeld est rythmée par celle de Lucie.
Mais un jour, elle se met à remplir des caisses.
Elle va déménager.
C'est un séisme pour Ziegfeld qui craint de la perdre.
Ce résumé pourrait laisser entendre que Ziegfeld est un harceleur voué au pire. au contraire, les auteurs ont voulu y voir une forme d'amour absolu, qui n'a plus besoin de l'autre. Ziegfeld se dissout dans cet amour sans même que Lucie puisse soupçonner son existence. Ziegfeld n'interfère jamais dans sa vie. Il la regarde. Il l'aime follement et secrètement. Il est comme un fantôme.
Ce livre n'a de malsain. Il est traversé d'un sentiment de nostalgie désespérée. Une histoire d'amour à sens unique ne peut qu'être tragique. La folie de Ziegfeld n'a jamais cette ambiguité qu'avait Parle avec elle, qui débouchait sur un acte impardonnable. La pureté des sentiments de Ziegfeld n'est jamais prise en défaut. Quel qu'en soit le prix à payer.
C'est une folie douce.
C'est une folie triste.
C'est une folie triste.
C'est un joli livre, de ceux qui ne s'achève pas une fois refermé.
Une illustration de Gerard Goldman? |
Jamais réédité, le livre est encore disponible sur Amazon, comme de nombreux titres de la collection X, laboratoire des éditions Futuropolis qui accueillit des signatures devenues prestigieuses comme celles de Gotting, Stanislas, Jeanne Puchol, Avril, Berbérian ou encore F'murr.
Quant aux auteurs, ils ont publié un autre livre dans cette même collection X (Hocus Pocus) et ils avaient déjà collaboré dans un recueil d'histoires noires, La dernière nuit, paru chez Glénat. Depuis, Olivier Beer, le scénariste, ne semble n'avoir plus rien publié alors que le nom de Gérard Goldman apparaît quelques fois pour des crédits d'illustrations, mais je ne suis pas sûr qu'il ne s'agisse pas d'un homonyme.
Bonjour, je découvre avec joie votre article et vous en remercie. J'ai dessiné "la folie de Ziegfeld" il y a 30 ans (!) et suis ravi qu'on s'en souvienne. Plus tard, j'ai publié une autre BD,"Le Moine" chez Albin Michel avant de poser mes crayons pour me consacrer à la réalisation de docs et de courts métrages et à l'écriture de romans jeunesse. En tous cas, c'est bien moi l'illustrateur dont vous avez repéré le nom sur des couvertures et autres. J'ai aussi fait beaucoup d'affiches de films. Il ne me reste plus qu'à découvrir votre site ! Bien à vous. Gérard Goldman
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