Comme je le disais alors, le Here de 1989 s'imposait comme une oeuvre essentielle, malgré sa brièveté. La capacité de Richard McGuire à réutiliser son concept sans tomber dans l'auto-caricature ou la redite représentait le principal enjeu de ce livre. En effet, passer de 6 planches à 300 planches basées sur un mécanisme narratif désormais connu imposait un défi extrêmement ardu à relever.
Richard McGuire signe un chef d'oeuvre.
Jessie B, sur du9, a consacré un bel article sur ce livre-objet, décortiquant les finesses de la maquette et de l'objet en tant que tel, insistant sur l'extraordinaire sens du détail qui caractérise ce livre.
Rien n'est gratuit.
Tout est porteur de sens.
Il parle finalement assez peu du contenu en tant que tel. Il est vrai que ce livre ne peut pas se raconter. Il présente avant tout une expérience formelle et narrative d'une maîtrise totale.
Mais ramener Here/Ici à une simple performance serait réduire sa portée.
En passant la couverture, nous nous retrouvons de "l'autre côté". De l'extérieur d'une maison que nous ne verrons jamais à l'intérieur, face au coin du séjour.
Mais la maison n'a pas toujours existé.
Ce coin de pièce fut construit sur un bout de monde.
Ce coin de pièce fut construit sur un bout de monde.
Ici est un lieu anonyme, sans histoire particulière. Il ne s'y est rien déroulé de remarquable au sens de la Grande Histoire.
Ici et maintenant... il y a une idée d'éternel présent.
Au fil des pages, les scènes se superposent, s'entrechoquent, se répondent.
Au fil des pages, les scènes se superposent, s'entrechoquent, se répondent.
Dès le début, un berceau en 1957, l'année de naissance de l'auteur, nous indique qu'un enfant est attendu.
Une bagarre surgit aléatoirement au fil des pages.
En 1989 nous suivons une soirée entre amis pendant plusieurs pages avant d'assister à un fragment de discussion politique enflammée entre un père et son fils en 1765.
A quelques décennies d'écarts, les propriétaires perdent leur clé.
Ici nous assistons à une successions de micro-événements qui servent parfois des indicateurs de l'Histoire.
Mais la majorité du temps, nous n'assistons qu'à des faits sans importance, trop insignifiants pour être remarqués. Et pourtant, ils sont indissociables de la vie.
A tel point que lorsqu'il ne se passe rien, lorsqu'ici n'était qu'une forêt impénétrable ou un paysage préhistorique inhospitalier, un sentiment de vide s'installe.
Elle donne du sens.
Cette maison que nous ne voyons jamais nous rassure.
Elle apporte une protection, une structure.
Il y a une forme de paradoxe qui renvoie à cette énigme popularisée par Lisa Simpson, s'interrogeant sur le bruit que fait un arbre qui tombe lorsqu'il n'y a personne pour l'entendre.
Ici est, a été et sera.
En 2014, ce livre a été publié.
En 1957, un enfant (Richard McGuire) est arrivé ici.
En 1907 une maison a été bâtie ici
En 2212, ici se tiendra un lieu de mémoire dans le futur, un témoin de ce que fut la vie quotidienne au XXème siècle dans un musée virtuel..
Il y a 3.000.000.000 d'année ici il n'y avait pas rien, même si personne n'était là pour en témoigner
Dans 20.000 ans on serait tenté de dire qu'il ne subsistera plus rien ici... il ne subsistera plus rien de ce que nous connaissons. Il n'y a plus d'humain pour en témoigner. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il ne reste rien ici. Et quand bien même, qu'il ne reste rien ici ne veut pas dure qu'ici n'existe plus.
Ici est, a été et sera.
Que de bonnes choses par ici !
RépondreSupprimermerci beaucoup :o)
SupprimerC'est vraiment trop cool ce livre !
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