Guido Buzzelli fait partie de ses auteurs injustement oubliés dans la bande dessinée européenne. Comme ses compatriotes Segio Toppi et Dino Battaglia, il a souffert d'être attaché à une bande dessinée "de magazine", ne bénéficiant pas du support d'une série originale pour fidéliser un public. Il multiplia également les travaux alimentaires, avec plus ou moins de bonheur, que ce soit dans des titres comme Tex ou des collections comme Un homme - Une aventure ou L'histoire de France en bande dessinée. Mais ces oeuvres alimentaires ne permettent pas de se rendre compte de l'incroyable talent de Buzzelli.
Zil Zelub |
Buzzelli réserve toujours un sort sinistre à son alter-ego de papier, même si les tribulations qui le mène à sa perte varient selon l'histoire. Dans La Révolte des Ratés, ce personnage en voit de belles, sans que son intégrité ne soit mise en cause. Dans Zil Zelub, il est victime d'une étrange malédiction qui rend son corps fou, ses membres se détachant de son tronc et se rattachant de manière anarchique, le transformant en phénomène de foire.
Katapeckio le vicelard, Teckiopaka l'intellectuel et l'Agnone |
Ce dernier se fait fort de fournir le reste de la distribution, puisant dans sa cours de putes, de mendiants, de voleurs, d'assassins... Et les différents artistiques se multiplient, surtout entre un Teckiopaka avide de pureté, de justice et d'art et Katapeckio qui, dans un monde qui se divise entre victimes et bourreaux, se préfère de loin en bourreau. Très vite, les répétitions virent au cauchemar pour le pauvre Teckiopaka.
L'Agnone qui donne son titre à cette histoire est une créature chimérique, mi agneau, mi chien. Son comportement peut virer instantanément du doux comme celui d'un agneau, à l'agressivité d'un chien enragé. Douceur et violence, ou le bien et le mal qui coexiste dans une même créature, sans rien de tangible pour les séparer. Teckiopaka et Katapeckio peuvent être vus comme 2 faces de Buzzelli: l'idéaliste et le cynique. L'un rêve de changer le monde. L'autre ne pense qu'à y faire son lit sans états d'âme. S'il en possède une, et rien n'est moins sûr. Toujours le bien et le mal dans une même enveloppe charnelle. Le bien le mal présent en chacun d'entre nous, nous pouvons donc passer de victime à bourreau en un claquement de doigt, selon les circonstances. Et l'inverse se vérifie également. Tout dépend du pouvoir qui distribue les casquettes.
Buzzelli est pessimiste. Il ne croît pas en la bonté du genre humain. Il ne croit plus que l'art peut faire obstacle à la barbarie. Dans les années 70, la culture hippie et les utopies sociétales qu'elle charriait sont oubliées. Buzzelli n'est que le reflet de cet état d'esprit. Mais devant un tel constat, à quoi bon continuer?
Il n'est pas étonnant que ce soit Wolinski qui lui ouvrit les pages de Charlie Mensuel dans les années 70. Mais rares sont les albums publiés en langue française... quelques titres à peine, depuis longtemps épuisés, publiés entre la fin des années 70 et le début des années 80. L'éditeur PMJ tentèrent de le remettre au goût du jour en rééditant cet Agnone en 2000. Mais pas défendu par les libraires, alors qu'on ne parlait pas encore de surproduction (pour mémoire, moins de 1000 publications annuelles en 2000 contre 5000 de nos jours) et sans soutien de la presse (quelques lignes dans BoDoi et dans Libération), l'album ne s'est écoulé qu'à 400 exemplaires, le reste du tirage étant finalement passé au pilon, sauf quelques exemplaires destinés à la vente par correspondance avant que l'éditeur ne cesse toute activité. Depuis, personne en francophonie ne s'est risqué à exhumer l'oeuvre pourtant fondamentale de Guido Buzzelli.
Pour adresser un bras d'honneur désespéré, un ultime acte de résistance.
La satire comme dernier recours.
Les livres de Buzzelli sont donc parcourus d'un humour ravageur et violent.
Les livres de Buzzelli sont donc parcourus d'un humour ravageur et violent.
Emboîtant le pas à l'Agnone, Teckiopaka ne s'imagine pas encore qu'il entame une véritable descente aux enfers |
A gauche, Guido Buzzelli |
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