Après Paracuellos, Barrio et Les Professionnels, les éditions Fluide Glacial ont publié en début d'année un nouveau titre de Carlos Giménez, Les Temps Mauvais (Madrid 1936-1939), qui continue son évocation de l'Espagne Franquiste.
Depuis 2009, c'est donc le quatrième gros volume que consacre Fluide Glacial au travail de mémoire initié par Carlos Giménez dès la fin des années 70.
Il y eut d'abord Paracuellos, projet au départ plutôt autobiographique, dans lequel l'auteur, né en pleine période franquiste, racontait son expérience dans les centres d'aide sociale qui étaient nombreux en Espagne. La vie y était dure. L'auteur s'attache à y montrer les difficiles conditions de vie, la discipline de fer, l'humiliation permanente et cette chape de plomb qu'imposait le franquisme, mais le tout raconté à auteur d'enfant, sans pathos ni édulcorer. Vient ensuite Barrio: une chronique d'un quartier populaire de Madrid sous le franquisme. Giménez reprend le personnage de Carlito, son alter alter ego, qui a rejoint sa famille à Madrid. Encore une fois, ce qui transparaît, derrière la dénonciation de la dictature, de la peur et de la violence, c'est l'exaltation d'une vie qui domine malgré tout, dans toutes ces petites victoires sur l'horreur.
A la fin des années 80, Carlos Giménez laisse ces séries en sommeil, avant de les reprendre et les compléter dans années années 2000. De 2007 à 2010, il réalise les 4 tomes des Temps Mauvais, qui se situent lors de la Guerre d'Espagne, avant sa naissance. En exergue de chaque tome, Giménez rappelle que:
si certains historiens férus de littérature considérait la guerre d'Espagne comme la dernière guerre romantique, pour ceux qui l'ont vécu, il s'agissait simplement de la guerreLa guerre, dans son acceptation la plus crue, la plus violente, la plus aveugle. Le style reste le même. De courts récits qui s'enchaînent, une tragicomédie humaine, avec ces personnages qui se croisent, apparaissent et disparaissent au détour d'une anecdote et, derrière la dénonciation de cette folie, une exaltation de la vie qui continue d'avancer.
L'histoire éditoriale française de Paracuellos et des autres séries qui lui sont attachée est compliquée. Marcel Gotlib découvre très vite Paracuellos, qui doit lui rappeler quelques planches plus intimes qu'il a glissé dans sa délirante Rubrique-à-Brac. Il persuade les éditions Fluide Glacial d'éditer Paracuellos, même s'il semble bien éloigné de la ligne éditoriale du magazine. Deux tomes seront publiés. Le second sera d'ailleurs couronné à Angoulême en 1981. Fluide publiera également un tome de Barrio et les 3 premiers tomes des Professionnels, mais dans un relatif anonymat.
Lors d'un changement de direction, ces séries sont considérées comme trop éloignées de l'esprit fluide et sont laissées en rade. Ce sera grâce à l'arrivée de Thierry Tinlot que germera l'idée d'une intégrale complétée.
En effet, aux 2 tomes de Paracuellos déjà traduits s'ajoutent désormais les 4 tomes réalisés au début des années 2000. Il en va de même pour Barrio et Les Professionnels, dont les intégrales comportent l'équivalent de 6 tomes. La réédition de Paracuellos aura même les honneurs d'un prix du patrimoine lors de l'édition 2010 du festival d'Angoulême. Et cette année est enfin paru Les Temps Mauvais, édition monovolume des 4 tomes espagnols complètement inédits en français.Pour conclure, je tiens a mettre en exergue un des tomes "tardifs" des Professionnels. Tout commence par une déambulation sur la Rambla, célèbre artère de Barcelone. Au début, nous suivons Pablo, nouvel alter ego de Giménez, mais rapidement, Giménez se détourne de son "héros" pour se fixer sur un figurant, qui sert de prétexte à une petite tranche de vie, mettant l'accent sur la misère et l'angoisse de la dictature. Puis retour sur Pablo, le temps de se diriger vers un autre quidam, et ainsi de suite. Le scénario est un modèle de fluidité et fait de cet album une merveilleuse peinture de moeurs.
Paracuellos, lecture de jeunesse particulièrement éprouvante et donc marquante - Le premier tome est remarquable, et déjà le franquisme pouvait y être décelé en filigrane.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas les autres travaux de cet auteur que ma mémoire avait prudemment remisé dans son tiroir à traumatismes, ça donne donc envie de découvrir la suite.
Concernant l'idée que la guerre civile espagnole fut la première du genre romantique, un autre auteur fameux y vit aussi un des marqueurs de sa fin, puisque son héros laconique s'évapore dès les prémices de ce conflit: Hugo Pratt.
il s'y évapore, en effet, mais n'y meurt pas. Pratt l'a affirmé
SupprimerHé! Il aura eu la classe jusqu'au bout celui-là. ^^
RépondreSupprimer