J'ai découvert Jérémiah sur le tard, à l'occasion de la sortie du tome 17, qui reprenait un volumineux dossier sur la série. Mais le tome 9, Un hiver de clown ne m'était déjà pas étranger. Etait-ce une réminiscence de la "bande à bébé" ou "Flipboook" ? L'avais-je lu en bibliothèque ou en grande surface, lorsque mes parents m'abandonnaient pendant qu'ils faisaient les courses ? Je le rappelle surtout avoir beaucoup lu "La survivante" de Gillon, à l'époque.
En tout cas, je me rappelais de cette étrange histoire. Je l'ai encore relue dernièrement et Hermann y est vraiment au sommet de son art. J'ai toujours préféré la colorisation de Fraymond à la couleur directe qu'Hermann utilisera dans les années 90. Et il reste avant tout un dessinateur à mes yeux. Ses albums dégagent un vrai dynamisme, un sens de l'atmosphère évident. Il y a quelque chose d'infiniment cinématographique dans son travail. Mais ses intrigues manquent souvent de ce petit quelque chose qui les feraient décoller vraiment. Sa meilleure série reste pour moi Les tours de Bois-Maury, sans doute grâce à l'empathie qui se dessine envers des personnages qui nous accompagnons pendant de longues années et qui poursuivent un but que l'on sait inaccessible.
Jeremiah se situe plus dans la continuité des scénarios de Greg, mais avec une patte évidente. Hermann fut le premier auteur avec qui je découvrais des scénarios où le héros n'en était pas vraiment un. Jeremiah et Kurdy se retrouvent souvent malgré eux embarqués dans une aventure qui n'est pas la leur, parfois même sans saisir ce qui se déroule vraiment. Deux vagabonds qui tombent comme un pavé dans la mare... Ce manque de finalité sera sans doute ce qui rendra la série de moins en moins intéressante. Je cessai de la suivre il y a une petite dizaine d'années, sans regret.
Cela dit, Jeremiah comprend de belles réussites, dont Les eaux de la colère, Julius et Roméa ou Afromerica.
Et, évidemment, Un hiver de clown, album un peu à part parce que Kurdy en est absent.
Jeremiah, flanqué de Lena, tente de rejoindre la civilisation, mais se sont égarés dans forêt enneigée. Ils échouent dans une étrange communauté de freaks... un étrange carnaval qui suinte le malaise. Seuls personnages apparemment normaux: une petite fille et un vieil homme qui semble avoir un certain ascendant sur cette cour des miracles.
Cet hiver de clown vaut pour une ambiance particulièrement angoissante, accentuée par le burlesque de cette étrange communauté, qui, sous des airs débonnaires, se révèle d'une cruauté infinie. Si L'histoire n'est pas à proprement parler mémorable, mais elle fonctionne à merveille et marque durablement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire