Le titre évoque la chaleur d'un foyer, la tendresse entre un parent et son enfant.
Nous pensons inconsciemment à la chanson d'Henri Salvador.
Le bébé est mort.
Un première phrase comme un coup de couteau.
L'argument de ce roman de Leïla Slimani est connu.
Une nounou tue les enfants dont elle a la garde.
Comment en sommes-nous arrivé là ?
C'est ce que l'auteure nous raconte.
Elle nous présente Myriam et Paul, jeune couple parisien. Il est ingénieur du son. Elle est avocate, mais n'a jamais exercé. Elle a obtenu son diplôme quelques jours avant de donner naissance à Milla, leur premier enfant.
Puis vint Adam.
Myriam se rêvait mère épanouie et working girl.
Elle dépérit, coincée dans une maternité qui lui donne l'impression de disparaître. Jusqu'à ce qu'elle ait l'opportunité de se faire engager par un ami. Elle veut travailler.
Il faut trouver une nounou.
Ce sera Louise, une femme discrète et effacée, chaudement recommandée par ses anciens employeurs. Ils auraient presque fait un enfant de plus pour pouvoir la garder, disent-ils.
Dès les premiers jours, Louise est adoptée par les enfants.
Elle s'installe dans la vie de ce couple.
Elle devient indispensable.
Et pourtant, au fil des pages, il est difficile de ne pas voir les failles qui se creusent.
Beaucoup parlent de ce livre en y insistant sur la folie qui progresse en Louise.
J'y vois surtout une livre politique qui déconstruit une image sociale et critique la position de la femme dans la société.
Ce livre, c'est presqu'autant l'histoire de Louise que celle de Myriam.
Myriam, d'origine maghrébine, qui, lorsqu'elle pousse la porte d'une agence de garde d'enfant, est considérée par défaut comme venant proposer sa candidature comme nounou et pas comme une mère qui veut en engager une.
Myriam qui doit céder à l'injonction d'une maternité heureuse et épanouissante alors qu'elle veut autre chose.
Mais Myriam est une capitaliste comme les autres.
Dans les relations qu'elle et Paul tissent avec Louise, derrière cette bienveillance, cette familiarité qui leur font parler de "leur nounou" comme s'il s'agissait d'un objet, nous sentons une forme de violence sociale qui s'inscrit. Une barrière invisible qui fait de Louise un membre de la famille, qu'on exhibe et qu'on flatte comme une bête de foire.
Notre Louise est une perle, tout le monde nous l'envie.
Louise qui s'occupe de tout, qui cuisine pour les invités et que l'on convie parfois à se joindre à eux.
Louise qui reste parfois la nuit pour permettre aux parents de sortir sans crainte.
Louise qui se dilue lentement au sein de cette famille, remplit les vides. Elle n'existe plus que par sa fonction.
Elle est la nounou.
Et elle récolte le mépris un peu paternaliste de ses patrons.
Une des scènes les plus intrigantes se passe lors de vacances "en famille". Louise ne sait pas nager. Paul se met en tête de lui apprendre et découvre un peu malgré lui que cette femme discrète et austère possède un corps qui peut être désirable. Cela ne dure que quelques phrases, mais elles accentuent un rapport aliénant entre le couple et la nounou. Elle n'est pas une personne. Elle n'est qu'une employée. Un objet asexué et utile.
Cette aliénation rentre en résonance avec la folie latente de Louise.
Cette folie, cause ou conséquence d'une vie marquée par l'humiliation.
Ainsi l'un des derniers chapitres, l'un des rares consacré à la fille de Louise, parfois citée mais grande absente de ce livre.
Louise évoque parfois le Stevens des Vestiges du Jour. Ce majordome impeccable tellement obnubilé par sa mission qu'il en devient aveugle à ce qui se déroule sous ses yeux.
Stevens en nourrira (peut-être) quelques regrets sur le tard.
Pour Louise, ce sera très différent.
Une chanson douce est un très grand livre, qui confirme tout le bien que j'avais pensé de Dans le jardin de l'ogre. Mais un livre violent et dérangeant qui peut choquer, il faut en être conscient.
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