Cette chronique est réalisée dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.
le loser est un archétype fondamental de la littérature anglo-saxonne.
Elle les sublime.
Elle les transcende.
Clochard céleste ou épave échouée sur un zinc crasseux, le loser reste un personnage fascinant parce qu'il se présente comme le miroir déformant de notre propre vision de nous-même, entre crainte de l'échec et envie de s'affranchir de l'aliénation de la vie moderne. Le loser, c'est souvent celui qui a dit non. Il a refusé la routine et tente de tracer sa route par les contre-allées de la vie. Ses rêves ne correspondent pas à l'idéal formaté.
Mais il peut également s'agir du déphasé absolu, pathologiquement destiné à l'échec. Quoiqu'il tente, il ne peut qu'échouer.
Aldo Benjamin représente une étrange synthèse de ces 2 versants de la loose.
Il rêve de gloire et de fortune facile. Il ne manque pas d'idées pour arriver à ses fins. Mais elles se révèlent toute plus tragiquement absurdes et irréalistes les unes que les autres. A chaque tentative, l'échec est inéluctable. Malheureusement Aldo a pris la mauvaise habitude d'utiliser son talent de persuasion pour entraîner avec lui de nombreux mécènes qui, une fois l'échec consommé, pourchassent Aldo pour récupérer leur mise. Et loin de prendre conscience des conséquences de ses actes, il se focalise sur sa propre détresse tout en restant imperméable à celle des autres. Non qu'il soit mauvais. Aldo est juste incapable d'empathie envers les autres tout en espérant que le reste du monde fasse preuve d'empathie envers sa pauvre petite personne.
Heureusement, il y a Liam. Avoir un ami policier permet de se tirer de bien des mauvais pas. Une amitié utile et sans doute sincère pour Aldo. D'autant que Liam n'est pas policier par vocation. Une série de mauvaise décisions ont amené vers les forces de l'ordre cet aspirant écrivain, loser à la petite semaine en regard de la loose absolue qui colle aux basques d'Aldo.
L'utilité de cette amitié peut enfin être réciproque lorsque Liam pense avoir trouvé son sujet: celui qui lui permettra d'enfin écrire son chef d'oeuvre.
Il s'improvise biographe d'Aldo.
Liam entreprend l'exploration méthodique de la vie de son ami, qui a toujours échoué dans tout, même dans le suicide. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé.
Il met au jour une vie médiocre dans laquelle Aldo a vécu en tirant profit de tous ceux qu'il a approché, lui-même n'étant finalement qu'une utilité parmi d'autre, invoquée lorsqu'il avait besoin d'un policier, mais qu'il entretenait également une relation similaire avec un docteur ou un comptable, par exemple. Qui sait de de ce dont on va avoir besoin dans lesprocahîne 48 heures? La seule particularité de la relation entre Liam et Aldo est qu'elle remonte à leur adolescence passée sur les bancs d'une école de troisième zone.
Puis il y a ces zones d'ombre: quel crime a donc commis Aldo pour séjourner en prison, et comment s'est-il retrouvé paraplégique ?
Steve Tolz signe un roman riche et déroutant, habilement construit et porté par une écriture volubile, souvent brillante mais parfois verbeuse. Il tombe un peu trop facilement dans la démonstration, tirant en longueur certaines parties jusqu'à lasser et à progressivement me désintéresser.
Je dois avouer que le dernier quart du roman m'a paru laborieux, se perdant dans une trop longue confession avant de se conclure d'une manière peu satisfaisante et tarabiscotée. Si le début paraît virevoltant et maîtrisé, le livre s'achève avec une impression de fouillis et de lourdeur. C'est d'autant plus dommage que certains passages sont vraiment réussis, comme le récit du dernier concert de la femme d'Aldo, moment terriblement violent et typique de la personnalité d'Aldo, complètement déconnecté de la souffrance des autres.
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